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Communiqué LDDNALC du 9/06/20

Objet : la décision du Conseil Constitutionnel concernant la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) 

Décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020

Le Conseil constitutionnel, saisi par le conseil d’État concernant une question prioritaire de constitutionnalité a rendu sa décision le 28 mai 2020 en donnant raison à Force 5 et France Nature Environnement contre Direct Energie /Total et l’État mais n’a engagé aucune remise en cause du projet de l’entreprise Total Direct Energie.

Le Conseil Constitutionnel déclare l’inconstitutionnalité de l’Arrêté d’exploitation autorisant la construction de la Centrale à Gaz de Landivisiau signé en janvier 2013 par Delphine BATHO alors Ministre de l’Écologie. Selon les textes en vigueur à cette date, l’arrêté en question aurait dû faire l’objet d’une consultation préalable du public selon  l’article 7 de la Charte de l’environnement. Les garants de la Constitution ont pourtant estimé que  «la remise en cause des mesures aurait des conséquences manifestement excessives».

L’association LANDIVISIAU DOIT DIRE NON A LA CENTRALE s’interroge sur l’expression «conséquences manifestement excessives ».

Alors que l’État de Droit est érigé comme principe commun s’appliquant aussi bien aux individus qu’au pouvoir public, le Conseil Constitutionnel « passe l’éponge » sur l’illégitimité constitutionnelle de l’Arrêté Ministériel. De toute évidence, les enjeux financiers mis en avant par le porteur de projet ont conduit le Conseil Constitutionnel à une clémence « manifestement excessive » !

A l’heure où notre pays doit mobiliser des moyens exceptionnels pour surmonter un état de crise sanitaire, économique, sociale et écologique il n’y a rien « d’excessif » à faire cesser ce projet de centrale à gaz coûteux, inutile, polluant et dorénavant frappé d’illégitimité constitutionnelle.

Faut-il rappeler sans être excessif que le groupe Direct Energie/TOTAL touchera 40 millions d’euros par an pendant 20 ans, renouvelable une fois, qu’elle fonctionne ou non !

De fait, une rupture de la procédure de construction en cours avec les indemnités prévues dans ce genre de contrat sera sans nul doute moindre que le coût financier, sanitaire et environnemental qu’une centrale à gaz et ses raccordements (gazoducs et ligne THT) traîneraient dans leur sillage pour des décennies.

Les membres du Conseil Constitutionnel se sont prononcés sur cette question.

Il appartient maintenant aux  magistrats du Conseil d’État de se saisir de l’affaire contre l’arrêté ministériel pris en 2013 ainsi que du recours contre l’ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement).

Les réactions sont nombreuses face à cette décision qui, au delà de son injustice quant à la lutte que nous menons depuis plus de 8 ans, interpelle au sens même du respect de notre démocratie et du principe de la séparation des pouvoirs ...

communique EELVB

La Ve achève bien le Parlement (Politis)

> Une récente décision du Conseil constitutionnel ouvre la voie à une ratification des ordonnances sans vote parlementaire.

> Nul n’est censé ignorer la loi, dit l’adage. Et encore moins la Constitution, dont l’article 24 est ainsi rédigé : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du gouvernement. Il évalue les politiques publiques. » Voilà pour la théorie, car en pratique ces attributs de l’Assemblée nationale et du Sénat ont souvent été rognés. Ils le sont même de plus en plus. Vous aurez peut-être noté que dans notre loi fondamentale le Parlement ne fait pas la loi, il se contente de la voter. Eh bien ce pouvoir est devenu facultatif depuis une décision du Conseil constitutionnel du 28 mai.

Ce jour-là, au détour d’un problème juridique posé par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portée par une association de défense de l’environnement, les « Sages » ont reconfiguré l’ensemble du régime juridique des ordonnances. On sait que celles-ci permettent à l’exécutif de légiférer, par exception, à la place des parlementaires. Il faut toutefois, selon l’article 38 de la Constitution qui les réglemente, que le gouvernement y soit autorisé au préalable par un vote d’habilitation du Parlement. Les ordonnances doivent ensuite être ratifiées par ce dernier dans un délai fixé au moment de l’habilitation pour devenir vraiment des lois. Avant ce vote de ratification, qui intervient fréquemment des années après l’entrée en vigueur des ordonnances, celles-ci ne sont juridiquement que des actes réglementaires susceptibles de recours devant le Conseil d’État.

> La décision du Conseil constitutionnel n’impose plus ce contrôle parlementaire a posteriori : il suffira désormais que le gouvernement ait déposé un projet de loi de ratification avant la fin du délai d’habilitation pour que les dispositions d’une ordonnance soient « regardées comme des dispositions législatives » au terme de ce délai. Passé celui-ci, l’ordonnance devenue loi, même en l’absence de vote, n’est plus contestable que devant le Conseil constitutionnel par le biais d’une QPC. Il n’est pas certain que cela profite aux citoyens.

Le déséquilibre des pouvoirs, inhérent à la Ve République, s’accentue donc au profit de l’exécutif. Lequel recourt de plus en plus aux ordonnances pour légiférer en catimini ou en urgence. Emmanuel Macron en use et en abuse : après les ordonnances travail prises au début du quinquennat, les ordonnances sur la justice pénale des mineurs, on dénombre 72 ordonnances depuis le début de l’année. Cette inflation inquiétante est le signe d’un pouvoir personnel qui se veut sans contrôle. Que le Conseil constitutionnel lui prête la main est inquiétant.


par Michel Soudais
publié le 9 juin 2020